Contemple-les, mon âme; ils sont vraiment affreux !
Pareils aux mannequins; vaguement ridicules;
Terribles, singuliers comme les somnambules;
Dardant on ne sait où leurs globes ténébreux.
Leurs yeux, d'où la divine étincelle est partie,
Comme s'ils regardaient au loin, restent levés
Au ciel; on ne les voit jamais vers les pavés
Pencher rêveusement leur tête appesantie.
Ils traversent ainsi le noir illimité,
Ce frère du silence éternel. O cité,
Pendant qu'autour de nous tu chantes, ris et beugles,
Eprise du plaisir jusqu'à l'atrocité,
Vois! je me traîne aussi ! mais, plus qu'eux hébété,
Je dis : Que cherchent-ils au Ciel, tous ces aveugles ?
Baudelaire, Les Aveugles, Les Fleurs du mal (XCII)
Les commentaires récents